(Chronique parue le 3 mai dans le Journal de Québec)
Une révélation choc : le Juge en
Chef de la Cour Suprême aurait jugé utile de devenir un «acteur politique» et
un «informateur» dans la saga du rapatriement unilatéral de la Constitution. Ce
qui confirme que l’expression «coup d’État», utilisée à l’époque, était loin
d’être outrancière.
Il nous faut cependant constater que l’appel
au devoir de mémoire, lancé par Lucien Bouchard et la motion de l’Assemblée
Nationale réclamant la divulgation des documents fédéraux pertinents sur cette
séquence de notre histoire n’ont pas vraiment été accompagnés d’une vague
d’indignation.
Une bonne partie de notre élite politico-médiatique
est apparue amnésique («Hein? De quoi vous parlez? Du rapatriement de la Constitution?
C’est quoi, cette bizarrerie?») ; une autre partie a plutôt adopté la posture
de l’indifférence («Arrêtons de nous soucier d’une aussi vieille
chinoiserie!»).
Pourtant, Dieu sait que l’œuvre
trudeauesque a des conséquences concrètes sur l’existence même de la nation
québécoise, sur sa trajectoire historique et sur son avenir.
Bien sûr, l’inclusion dans la
Constitution canadienne d’une charte des droits, limitant les pouvoirs
(spécialement linguistiques) de l’Assemblée Nationale et instaurant le
«gouvernement par les juges», constitue sans nul doute un virage historique
comportant des restrictions majeures à la souveraineté des Parlements.
Mais, à mon sens, l’élément le plus
percutant du nouvel ordre des choses imposé par Trudeau, c’est l’enchâssement
dans la Constitution du multiculturalisme.
Je vous rappelle que le
multiculturalisme, c’est l’inscription dans la loi fondamentale du respect
inconditionnel des «identités culturelles» diverses (avec le droit de les
promouvoir et de les pérenniser).
Cela n’a rien d’abstrait. Autrefois,
les nouveaux venus étaient assimilés à la nation qui les accueillait. C’est
ainsi qu’un million de Canadiens français exilés aux États-Unis et leurs
descendants sont devenus des Américains.
Mais, de nos jours, la nomenklatura
multiculturaliste (politiciens, intellectuels, technocrates, journalistes)
considère une telle approche comme un repli sur soi xénophobe mêlé à de
l’orgueil identitaire déplacé.
Concrètement, le multiculturalisme
s’incarne dans le communautarisme,
c’est-à-dire la fragmentation de la société en communautés culturelles
conservant jalousement leurs identités d’origine.
Et si la nation qui accueille renâcle
à rabougrir les composantes de son identité pour faire place aux autres
identités, les garde-chiourmes du multiculturalisme s’efforcent de rabaisser
ces sursauts identitaires au rang de réaction d’intolérance et de refus du
vivre-ensemble (deux péchés mortels du catéchisme muticulturaliste).
En Europe, les ravages du
multiculturalisme sont encore plus cauchemardesques que chez nous. Les vieilles
nations européennes sont embourbées dans un communautarisme largement contaminé
par l’islam radical et infecté par une haine virulente des valeurs de
l’Occident.
Chez nous, avant d’en arriver là, il
est urgent de prendre conscience, comme l’écrit Eli Barnavi, «qu’on ne bâtit
pas une société digne de ce nom, ce qui implique une langue dans laquelle on
puisse se comprendre, un minimum de culture commune, une mesure de mémoire
partagée, en enfermant les gens dans leur propre langue, leur propre culture et
leur propre mémoire.» Et leur propre religion.
Le principal héritage que nous a
légué Trudeau, le multiculturalisme enchâssé dans la Constitution, est une
machine à rapetisser notre identité. Et elle est à l’œuvre dans nos
institutions (l’école surtout), nos politiques d’immigration et nos
accommodements déraisonnables.
Les nationalistes (indépendantistes
et autonomistes) devraient accompagner le devoir de mémoire d’une offensive
visant à débusquer et à démanteler les armes de destruction identitaire du
multiculturalisme.
Peut-être conviendrons-nous alors,
qu’au bout du compte, l’indépendance est la seule façon de mener à terme une
pareille entreprise.
Jacques Brassard
5 commentaires:
Il y a des jours ou je me pince jusqu'au sang, comme lorsque je suis d'accord avec vous, ce qui est le cas ici. Et dire que le multiculturalisme est de plus en plus critiqué en Europe, tant à droite qu'à gauche...
Il fut un temps où les immigrants choisissaient le Québec pour le fait français. Une fois installés ils renouvelaient leur choix mais cette fois par attachement aux Québécois (aux canadiens comme les québécois se désignaient alors) et à "l'esprit du Québec" lequel est difficile à cerner et à définir parce qu'il s'agit de quelque chose de fluide qui se sent et qui se vit. Vivre au Québec c'est comme vivre en famille, on y est accepté, apprécié et valorisé, ce qu'on apporte aux québécois ils vous le rendent au centuple. La culture québécoise est à mon avis imprégnée de cet esprit, lequel ne peut être enfermé dans le carcan étriqué et légaliste d'une constitution ou d'une charte des droits.
Ceux qui ont rédigé la constitution canadienne ont délibérément cherché à remplacer l'esprit par la lettre, ce faisant ils ont presque réussi à tuer l'esprit. On ne choisit plus le Québec à cause du français, ni à cause des québécois, ni à cause de leur culture, on ne cherche pas à développer un sentiment d'appartenance au Québec; la constitution et la charte des droits exemptent les immigrants de tout cela. Mais le pire est que les québécois (les descendants des canadiens) semblent de plus en plus enclins à se prévaloir de cette exemption.
Il n'y a pas de loi ni de politique qui puissent inverser cette tendance, seule une prise de conscience collective et un débat serein permettront aux québécois de corriger le cap et de faire revivre "l'esprit".
Hélios d'Alexandrie
C'est dur de dire que le multiculturalisme est imposé par le fédéral, quand il est endossé de facto par le rapport Taylor-Bouchard et imposé comme matière obligatoire à l'école par le PQ... Malheureusement, ce cancer est répandu partout en Occident. Allez essayer de vendre l'idée aux Japonais pour voir!
Cette approche « Multikulti » - « nous vivons côte à côte et nous nous en réjouissons » - a « échoué, totalement échoué », Les immigrants doivent s'intégrer et adopter la culture et les valeurs allemandes. Nous nous sentons liés aux valeurs chrétiennes. Celui qui n'accepte pas cela n'a pas sa place ici.
Angela Merkel. Chancelière allemande. 2010
Près de la moitié des actes violents des moins de 21 ans sont commis par des personnes issues de l’immigration. Nous ne pouvons pas nous taire.
Angela Merkel. 2008
Avec qui faire l'indépendance maintenant? Même le parti de Renée Lévesque est devenu un parti semblable au parti libéral.
C'est malheureux que des gens brime ainsi la mémoire d'un homme comme m. Lévesque.
Comme dit l'anonyme de 17:52 le 3 mai 2013, reprenons notre esprit, et cessons de croire à la fée des étoiles. Ca ne se fera pas tout seul l'indépendance.
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