Dans les gènes et la culture du Parti
Québécois, il y a une prédilection irrésistible pour le SOMMET, c’est-à-dire le
rassemblement autour d’une table de tous les acteurs concernés par une question
problématique afin de discerner des solutions consensuelles.
Depuis René Lévesque jusqu’à Pauline
Marois, tous les Premiers Ministres du PQ ont eu recours à ce genre de forum.
Avec, comme résultats, parfois des succès, parfois des compromis plus ou moins
boiteux et parfois des échecs.
Des exemples? Le sommet sur le
déficit zéro aboutit à compromis : oui à l’atteinte du déficit zéro, mais
oui aussi à des services de garde centralisés, plus ou moins étatisés et
syndicalisés mur à mur.
Quant au sommet sur l’éducation, mis
en branle sous M. Parizeau, les orientations furent bien ciblées (dont, entre
autres, le retour aux savoirs de base), mais la technocratie les a dénaturées
et ce fut la Réforme que l’on sait.
Or, voilà donc que le gouvernement Marois et
le ministre de l’Enseignement Supérieur, fidèles à la culture du PQ, se lancent
dans un sommet sur les universités.
Dès lors, la question se pose :
les conditions du succès et du consensus sont-elles réunies? Et d’abord, quel
est l’objectif? S’agit-il de régler le problème du sous-financement des
universités ou de relever et valoriser la qualité de l’enseignement supérieur?
D’après la nature des discussions lors des rencontres préparatoires, il s’avère
que le financement est le sujet incontournable.
Dans ces conditions, les acteurs
autour de la table se rejoignent-ils sur un consensus en cette matière? De
toute évidence, c’est loin d’être le cas. Du côté des étudiants, ils ont déjà
engrangé les gains : frais de scolarité gelés (revendication majeure du
charivari printanier) et bonifications du régime de prêts-bourses maintenues.
De sorte que les étudiants activistes n’auront qu’à pratiquer la tactique du
blocage systématique (c’est déjà en cours) et l’échec est assuré.
Mais pour l’ASSÉ, les troupes de choc
socialo-anarcho-révolutionnaires du mouvement étudiant, entraver le processus
ne suffit pas, il faut plutôt le boycotter. Sinon, ce serait, (quelle
horreur!), se mettre en «danger de compromis». Il faut même aller plus loin et
exiger carrément la gratuité de l’éducation et le droit de grève.
En fait, il s’agit, en bons disciples
de Lénine, de placer la barre tellement haute que le ministre, s’il tient à un
accord, ne pourra faire autrement que de les cajoler et de tenter de les
amadouer. En novembre 2012, il avait d’ailleurs quasiment capitulé sur le droit
de grève pour les étudiants. Il trouvait que c’était somme toute une bonne
idée.
D’ailleurs, il avait même déclaré que
l’intervention des tribunaux en vue de ne pas empêcher les étudiants d’assister
à leurs cours «n’a pas donné un climat favorable aux études»!!??
Pour le ministre, ce serait donc les
étudiants qui tenaient à poursuivre leurs études qui étaient responsables du
tohubohu printanier! Ahurissant! Et il a complété son agenouillement devant les
factieux en n’excluant pas la gratuité.
Quant aux recteurs, le gouvernement,
en leur imposant sans préavis des compressions de 124 millions, les a
clairement discrédités. Leur voix est inaudible.
Bref, ce sommet est une voie sans
issue. Comment peut-il réussir alors que le gouvernement dès le départ est
paralysé par l’allégeance complaisante qu’il a accordée l’an dernier aux
agitateurs et fauteurs de trouble de l’avant-garde révolutionnaire étudiante.
Quand le maître du jeu d’un sommet est partial, l’échec est assuré.
Jacques Brassard