ON EST TOMBÉ BIEN BAS
Je suis stupéfié! Vous lirez un
commentaire ou l’on évoque mon petit-fils Émile. Ce dernier a livré un dur
combat contre la leucémie. Toute sa famille a vécu cette épreuve dans
l’inquiétude. Et, après deux ans de traitements, dont certains le vidaient de toute
son énergie pendant plusieurs jours, il est maintenant guéri.
C’est pendant cette longue maladie
que ma fille et mon gendre ont eu l’idée, afin en quelque sorte de tirer du
positif d’un événement douloureux, d’amasser des fonds dans le but de doter
l’hôpital d’Alma d’une chambre à pression positive.
Précisons qu’Émile était certes
«l’étendard» de cette campagne, mais que ce n’était pas pour lui
personnellement qu’on récoltait des fonds, c’était pour l’hôpital, c’était pour
la communauté du Lac- st-Jean. D’ailleurs mon petit-fils a très peu utilisé
cette chambre. Elle sert désormais pour tous les malades, les enfants en
priorité, dont le système immunitaire est particulièrement défaillant.
Et il est vrai que, dans le cadre de
cette campagne, un groupe d’employés d’Énergie Électrique de RTA a accompli un
travail remarquable pour amasser des fonds (40000 $).
Mais voilà que ces employés me
reprochent, parce que j’ai osé critiquer la stratégie syndicale dans le conflit
d’Alma, de faire preuve d’ingratitude à leur endroit.
C’est comme si leur contribution à
une campagne qui, je le répète, n’avait pas pour objectif d’aider Émile (il
avait tous les soins requis et toute l’affection de sa famille), mais
d’améliorer les services pédiatriques de l’hôpital d’Alma, les rendait
redevable d’un retour d’ascenseur de ma part dans leur bataille contre RTA. Un
retour du balancier! Ils ont été généreux dans une œuvre communautaire, je dois
leur apporter mon soutien!
Je suis scandalisé et révolté de voir
ainsi mon petit-fils de 8 ans embarqué dans cet affrontement syndicats-RTA.
Si je vous comprends bien, vous
regrettez votre acte de générosité tout simplement parce que le petit garçon
qui a en quelque sorte servi de «déclencheur» de cette initiative communautaire
est le petit-fils d’un grand-père que vous détestez parce qu’il ose douter de
la stratégie de votre syndicat et de la pertinence de vos objectifs. Je vous le
dis, je trouve cela répugnant!
Quand la poussière sdera retombée et que les esprits chauffés à blanc se seront apaisés, j'ose espérer que vous aurez honte de cet amalgame indigne.
D’autre part, après la calomnie sur
les «enveloppes brunes» que j’aurais reçues de RTA, voilà maintenant que mon
entrée au Journal de Québec à titre de chroniqueur serait une promotion pour ne
pas avoir louangé le plan de guerre du syndicat! Ça vole tellement bas… que le
débat s’est enlisé dans le fumier!
J.B.
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En ce début de janvier 2012, dans le
froid et la neige, la région du Saguenay Lac St-Jean, se voit
plongée dans une version adulte de la «Guerre des Tuques». Surréaliste!
C’est ainsi que le chef de guerre du syndicat
des travailleurs de Rio-Tinto- Alcan a lancé ses brigades fanatisées à l’assaut
de la multinationale maléfique et félonne. L’entreprise, ayant vu venir l’attaque,
s’est retranchée dans sa forteresse et a décrété un lock-out.
Cette guerre d’usure risque de durer
longtemps!
Comment en est-on arrivé là? À prime abord, il
saute aux yeux que les leaders syndicaux ont opté, et cela depuis des années,
pour un syndicalisme que je qualifierais de préhistorique, c’est-à-dire un
syndicalisme de confrontation fondé sur
les vieilles lubies de la lutte des classes : d’un côté, des travailleurs,
qui s’imaginent prolétaires, «exploités» et «maltraités»; de l’autre, une
entreprise «sans cœur», «vorace» et «sauvage».
C’est cette forme de syndicalisme qui se
pratiquait autrefois. Il faut dire avec une certaine crédibilité. Puisqu’on
pouvait, à une certaine époque, sans tomber dans la démesure, décrire des
travailleurs en grève comme vivant dans des conditions de travail et de rémunération
légitimement …améliorables.
Mais ce n’est manifestement plus le cas dans
les usines d’Alcan au Québec. D’ailleurs, les syndiqués eux-mêmes reconnaissent
et affirment qu’ils n’ont rien à redire concernant leurs conditions de travail,
leurs salaires et leurs régimes de retraite.
Il faut dire qu’ils savent bien que tout le
monde sait qu’ils sont à cet égard des privilégiés. On le voit bien quand Alcan
procède à des embauches. C’est alors la ruée par milliers pour avoir la chance
de «gagner le gros lot» : un emploi dans l’entreprise.
Mais alors, pourquoi cette guerre? Pourquoi le
président du syndicat, après un vote de grève massif, a-t-il déclaré :
«Maintenant, nous avons l’arme et nous avons les balles»?
Entre vous et moi, une déclaration aussi
belliqueuse prononcée par un homme politique aurait provoqué illico sa
lapidation suivie de sa crucifixion sur la place publique. Mais proclamée par
un syndicaliste, elle ne soulève aucune indignation chez les faiseurs d’opinion
de la presse, d’habitude pourtant si
prompts à s’indigner quand il s’agit de politiciens.
Une telle déclaration était sans l’ombre d’un
doute une véritable déclaration de guerre. Toutes les troupes à l’assaut!
Mais, je le redemande, si les conditions de
travail et de salaire ne font pas problème, si, de plus, les emplois sont
garantis, pourquoi cet affrontement, pourquoi cette course absurde au
casse-pipe?
C’est quoi le mobile de ces hostilités toutes
imprégnées de rancœur tenace et d’une surprenante virulence?
Je vous le donne en mille : c’est la
sous-traitance. Le syndicat est enragé et il est déchaîné contre la
sous-traitance. Il en a fait le ressort de sa montée aux barricades et le
levain de l’exaltation belliqueuse de ses soldats.
Pourtant, dieu sait que la sous-traitance est
une pratique bien établie, depuis fort longtemps, dans les grandes entreprises.
Elle a toujours été présente dans les usines d’Alcan. Elle est omniprésente,
par exemple, dans l’industrie automobile. C’est ce qui permet, dans une
économie mondialisée et fortement compétitive, aux entreprises de garder le
contrôle de la filière de production et de confier à de sous-traitants des
tâches connexes. Cela donne aux entreprises une nécessaire souplesse de fonctionnement.
Est-il envisageable d’obtenir, dans une
négociation de convention collective, l’abolition de la sous-traitance?
Certainement pas! Le croire, c’est de la pensée magique!
Peut-on alors sérieusement penser que les
syndicats d’une unité de production (Alma en l’occurrence) puissent obtenir davantage en matière de
limitations de la sous-traitance que ceux des autres unités de production
(Arvida, La Baie, Laterrière, Shawinigan) du Québec? Le croire, c’est de
l’aberration! Et c’est lancer ses troupes dans une opération suicidaire!
Comment les syndiqués ont-ils pu s’imaginer
qu’ils allaient obtenir sur cette question capitale pour l’entreprise un
traitement privilégié et des pratiques différentes?
Comment ont-ils pu croire leurs chefs
syndicaux quand ils les ont transformés en avant-garde d’un combat planétaire,
en troupes d’élite ayant pour mission de faire une percée dans les remparts
d’une multinationale diabolisée?
Il a fallu sûrement des mois de propagande
intensive pour qu’ils soient convaincus qu’ils sont les plus forts et les plus
aptes à terrasser la Bête infernale!
Et voilà-t-il pas que c’est par altruisme
qu’ils livrent ce combat. Ce n’est pas pour eux qu’ils se battent. Non, c’est
pour la région. Et c’est pour les générations futures. Ce n’est surtout pas, au
grand jamais, pour collecter plus de cotisations syndicales. Voyons donc!
Écoutez-les.
Un syndiqué : « C’est pour la région et
les générations futures que l’on se bat. Ça va être une bataille épique. Ça
prendra le temps que ça prendra…». J’ai bien peur qu’il va trouver le temps
long …bien avant l’entreprise.
Un leader syndicale : « On se bat pas
pour une augmentation de salaire, on se bat pour la région. On est prêt et on
est capable d’aller jusqu’au bout du conflit».
Ce jusqu’auboutisme est typique des débuts de conflit de travail. Six
mois plus tard, on fanfaronne un peu moins.
Ce discours syndical est bien connu. Il
consiste à s’efforcer de convaincre la population que c’est pour elle que l’on
a déclenché la guerre. Il consiste aussi à arracher des larmes aux citoyens en
leur révélant qu’ils se battent pour leurs enfants.
C’est là un disque bien usé. Je me souviens
qu’en 1972 (j’étais gréviste alors) le prêche syndical consistait à dire que si
on réclamait des augmentations de salaire substantielles, ce n’était pas
vraiment pour nous, mais pour les pauvres salariés du privé. En vertu du
principe étrange qu’une hausse des salaires dans le secteur public allait
migrer par osmose vers le privé. Le pire, c’est qu’on y croyait!
Moi, je vous le dis tout net, cet altruisme,
cet oubli de soi autoproclamé, cet esprit de sacrifice dans l’intérêt de la «
veuve et de l’orphelin », tout ce prêchi-prêcha syndical me laisse totalement
froid.
C’est de la bouillie pour les chats! C’est une
homélie larmoyante qui ne sert qu’à masquer des intérêts bassement
corporatistes : moins de sous-traitance égale plus de syndiqués et
davantage de cotisations syndicales. Un point, c’est tout!
C’est sûr que présenté de cette façon, ce
n’est pas très inspirant pour les fantassins qui vont au front. Alors, on a
recours à l’artifice du «combat héroïque» …pour les autres! Pour la région
toute entière! Pour les générations suivantes! Je suis sidéré de voir qu’une si
vieille astuce «pogne» encore!
Les leaders syndicaux, dans toute cette
affaire, ont agi de façon irresponsable. Ils se sont comportés en
va-t-en-guerre irréfléchis. Mais, surtout, ils n’ont pas évalué correctement le
rapport de force. Ils ont été incapables de déterminer jusqu’où ils pouvaient
aller dans leurs revendications. C’est là pourtant la qualité essentielle d’un
chef syndical. Cette qualité brillait par son absence. C’est le goût de la
bagarre et l’aversion envers
l’entreprise qui occupaient tout leur esprit.
Dans les années 90, l’usine de pâte et papier
d’Alma était menacé de fermeture. Heureusement, il s’est trouvé des leaders
syndicaux qui ont pris la juste mesure de la situation et qui ont opté pour un
syndicalisme de concertation. L’usine est toujours en opération et elle est
rentable. Au même moment, à l’usine de la Baie, appartenant aussi à
Abitibi-Bowater, les syndicalistes ont choisi l’affrontement et la ligne dure.
Aujourd’hui, l’usine est non seulement fermée, elle est démantelée.
Ce rappel d’un passé récent illustre à
merveille combien le gros bon sens, le jugement et le discernement sont des
qualités indispensables chez celui qui veut devenir leader syndical. Dans le
conflit actuel, ces attributs de la sagesse ne sont pas au rendez-vous chez les
principaux leaders syndicaux. Le gros bon sens a foutu le camp. Le jugement est
en congé. Et le discernement est en
vacances.
Avec comme conséquence qu’ils ont lancé leurs
troupes dans un combat perdu d’avance. Ils n’ont pas vu que leurs objectifs
étaient inatteignables. Ils ont poussé
leurs camarades dans une impasse. Ils ont beau faire le matamore, ils les ont
précipités dans un piège. Un beau gâchis!
De plus, ils ont le culot de se prétendre
investi d’un mandat afin de se battre pour « la région et les générations
futures ». Quand donc leur a-t-on accordé un tel mandat? Personne ne leur a
confié – mis à part 88% des 778 travailleurs syndiqués – la mission
d’entreprendre pour nous, population régionale, une lutte « épique » sans
issue.
Je sais fort bien que ce que vous venez de
lire ne se retrouvera pas sous la plume des commentateurs et chroniqueurs de la
presse et de la radio. Pas plus que dans la bouche des politiciens de tous les
niveaux. On lira et on entendra surtout des salamalecs flagorneurs envers les
syndicats, la reprise de la sempiternelle rengaine « so-so-solidarité » ou encore des appels
insignifiants à la bonne volonté des parties.
Et il en sera ainsi tout simplement parce
qu’ils ont peur d’avoir à subir les foudres syndicales. Les corporatismes
syndicaux connaissent à fond, et depuis fort longtemps, l’art de l’intimidation
et ils s’en servent sans retenue. Regardez ce qui est arrivé au président de la
Chambre de Commerce du Saguenay quand il a osé mettre en doute, et d’une façon
plutôt polie, le discours syndical sur la sous-traitance. Il s’est fait rabroué
et insulté.
Je vous prédis donc que nos élites
politico-médiatiques vont surtout pleurnicher sur les calamités résultant du
conflit tout en prenant bien soin de ne surtout pas attribuer une large
responsabilité à l’état-major syndical dans le déclenchement du conflit.
Moi je me permets de dire que les leaders
syndicaux, en omettant de bien jauger les périls et les culs-de-sacs générés
par leur défaillance de jugement et leur mauvaise analyse de la conjoncture
économique, sont les principaux responsables de cette ruineuse guerre de tranchée.
Jacques Brassard eure
FAÇON DE FAIRE
Je vous avise que les commentaires injurieux, diffamatoires et menaçants à mon endroit ne seront publiés que s'ils sont signés (nom, adresse, téléphone et adresse internet). Je pourrai ainsi envisager s'il est pertinent d'entreprendre des poursuites judiciaires pour diffamation et atteinte à ma réputation. Et tout particulièrement, les salopards poltrons qui m'accusent de recevoir des «enveloppes brunes» de la compagnie.
D'autre part, il y en a qui trouve que mon point de vue sur le conflit est contradictoire avec mes convictions souverainistes. Plutôt bizarre comme rapprochement. Clarifions les choses, Je suis toujours souverainiste. Je n'ai pas changé à ce sujet. Depuis plus de 40 ans. Mais je ne veux surtout pas d'un pays qui serait sous la botte des corporatismes syndicaux. Ce serait un régime de terreur ou la liberté d'opinion et de penser serait mise au rancart. Merci pour moi!
Jacques Brassard