dimanche 29 janvier 2012

UN PARTI DÉBOUSSOLÉ

(Chronique du 27 janvier dans le Journal de Québec)
                                     

Rien de bien réjouissant (pour moi en tout cas) de voir le Parti Québécois complètement déboussolé et rongé par la chicanerie et les règlements de compte. Vraiment affligeant!

Et c’est de la pensée magique que de s’imaginer que le départ de Pauline Marois ramènerait l’unité et la concorde au sein du parti. De toute façon, pas de Grand Timonier à l’horizon!

La vérité, c’est que le PQ n’a pas réussi à se «recentrer» et à prendre en compte le naufrage  de l’État-Providence. Car pour cela, il aurait fallu qu’il se déleste des deux ailes radicales qui le plombent depuis toujours. Tous les chefs du parti ont eu à subir les assauts de ces courants, certes minoritaires, mais organisés et tapageurs. Ils ont eu la peau de plusieurs.

Dans le cas de figure actuel, l’aile souverainiste a refusé d’accepter la voie pragmatique de Pauline Marois. Celle-ci consistait, non pas à évacuer l’objectif de la souveraineté du programme, mais à considérer tout engagement référendaire comme étant, dans les circonstances présentes, trop périlleux. Simple refus du suicide, quoi!

On connait la suite : une cascade de démissions de députés, dont l’égérie de la souveraineté, Lisette Lapointe. À partir de là, le PQ est apparu, et ce fut bien souvent le cas, comme un nid de vipères et sa crédibilité s’est mise à fondre. Comment les électeurs peuvent-ils faire confiance à un parti qui s’entredéchire brutalement sur la place publique?

On comprend alors pourquoi Pauline Marois n’a pas voulu guerroyer sur deux fronts et qu’elle n’a pas résisté à l’autre aile radicale, l’écolo-gauchiste. Le programme est donc resté un programme social-démocrate orthodoxe, fondé sur l’interventionnisme étatique et de nouvelles dépenses massives. Par conséquent, un programme déconnecté de la réalité du Québec contemporain faite d’un endettement incontrôlé et d’une fiscalité excessive. On y a ajouté, pour faire tendance, le bric-à-brac de l’idéologie verdoyante.

Cet ancrage à gauche explique, par exemple, le recrutement de candidats écolos «pur jus». Et aussi, chez certains députés paniqués, cette tentation délirante de s’allier avec Québec Solidaire, un parti résolument socialiste, pour ne pas dire communiste. Tant qu’à déraper, faisons-le  le plus grand-guignolesque possible, n’est-ce pas?

Et pendant que le PQ se préoccupe de conserver la corpulence de l’État et s’engage à donner vie aux lubies écolos hostiles au développement, il oublie la mission d’origine du nationalisme québécois, soit la défense et le renforcement de l’identité nationale.

Notre langue est de nouveau en position de recul. L’école est devenue la proie d’une technocratie déracinée qui en a fait un laboratoire du multiculturalisme ou l’on inculque à nos enfants le relativisme moral, l’oubli de notre parcours historique et le rejet du patrimoine et des valeurs issus de notre appartenance à l’Occident judéo-chrétien. De plus, nous sommes incapables d’intégrer convenablement les nouveaux venus, ce qui accentue le processus de minorisation dans la région de Montréal.

Dans ces heures sombres  que nous vivons comme nation, en plein désarroi identitaire, on aurait pu espérer que le PQ, plutôt que de s’engluer dans l’écolo-gauchisme, retrouve sa raison d’être et son âme et mette en branle une grande offensive contre le multiculturalisme d’État dans le but de renforcer l’identité nationale. Si l’on veut que la souveraineté demeure une option d’avenir, il est impérieux de stopper le dépérissement identitaire qui mine la nation.

Jacques Brassard




vendredi 20 janvier 2012

MISE AU TOMBEAU DE L'ACCORD DE kYOTO

(Chronique du 20 janvier dans le Journal de Québec)
                    

Que de pleurs et de grincements de dents chez les escadrons et le clergé écolos à la suite de la mise au tombeau du protocole de Kyoto! Ce traité international, rappelons-le, qui devait sauver la planète du terrible réchauffement d’origine anthropique (c’est-à-dire provoqué par les émissions humaines de CO2, y compris, je présume, leur respiration et leurs flatulences) s’est révélé un échec total.

Les classes politiques de tous les pays liés par ce traité avaient beau s’évertuer à claironner des engagements de réduction de ce «gaz infernal» (en fait, parfaitement inoffensif, non-polluant et essentiel à la vie), ces objectifs n’étaient jamais respectés. C’était, bien sûr, le cas du Canada.

Du temps des Libéraux, Stéphane Dion, qui porte toujours la défroque du Verdoyant exemplaire, n’a même pas réussi  à réduire le niveau des émissions de CO2, encore moins à empêcher qu’il augmente. Il en fut de même sous le gouvernement conservateur.

Et c’était inéluctable. Aussi longtemps qu’on  n’aura pas trouvé d’autres sources d’énergie que les hydrocarbures (oubliez les vire-vent comme filière de remplacement), tout développement et toute croissance économiques entraîneront inévitablement un plus grand recours aux énergies fossiles et, par conséquent, une hausse des émissions de CO2.

Quel gouvernement responsable va consentir à la décroissance (avec ses effets dévastateurs sur les investissements et l’emploi) dans le seul but de réduire les émissions d’un gaz dont on est de moins en moins certain qu’il constitue le facteur déterminant des changements climatiques? En connaissez-vous un? Celui du Québec, assurément, qui continue toujours de se complaire dans une posture écolo «pure et dure» en contraignant les entreprises à s’intégrer dans un marché du carbone qui serait le seul en Amérique (celui de Chicago, si cher au Grand Gourou Al Gore, à cessé d’opérer), ce qui affectera gravement leur compétitivité (les droits d’émission n’étant pas gratuits).  Il n’y a  que les États européens qui dépassent le Québec dans le peloton des pays saboteurs de leur propre économie.

Le gouvernement Harper, lui, a décidé de mettre un terme à l’hypocrisie en matière de politique climatique. Persister dans la glorification de Kyoto, alors qu’il est parfaitement conscient que les objectifs de ce traité sont inatteignables, constitue pour M. Harper une gigantesque tartufferie dont il ne veut plus être un acteur. Bravo! Voila pourquoi il a décidé de procéder aux funérailles et à l’enterrement du Protocole.

Sa position est tout à fait logique. Et tenter, comme Daniel Turp et ses acolytes, de la faire désavouer par les tribunaux, est d’un ridicule consommé. Quelle est donc cette position qui a conduit au refus de maintenir sous respirateur l’accord de Kyoto? S’il est vrai, nous dit M. Harper, que les émissions humaines de CO2 provoquent un réchauffement catastrophique (c’est une hypothèse de départ), alors il faudrait que TOUS LES PAYS SANS EXCEPTION soient assujettis aux mêmes contraintes de réduction de CO2. Or, comme c’est loin d’être le cas, alors pas de Kyoto 2! Logique! Il est utile de signaler que c’est là aussi la position des États-Unis qui, eux, n’ont même pas ratifié Kyoto 1 (le Sénat, du temps de Clinton et d’Al Gore,  l’avait unanimement rejeté).

Et si en plus, on tient compte du fait que, malgré les Grands- Messes et le tourisme climatiques, les fondements scientifiques du réchauffisme s’effritent, la position de M. Harper est pleinement justifiée.

Jacques Brassard

vendredi 13 janvier 2012

LA SOCIAL-DÉMOCRATIE SE DÉGLINGUE

(CHRONIQUE DU 13 JANVIER DANS LE JOURNAL DE QUÉBEC)
                    

L’Occident tout entier est plongé dans une crise. Essentiellement, c’est une crise de la social-démocratie. Ou, si vous préférez, une crise de l’État-Providence.

Au lendemain de la seconde Guerre Mondiale, les pays occidentaux se sont lancés dans l’édification d’un État dispensateur de bienfaits aux citoyens. Les besoins en santé, en éducation, en services de garde, dans tous les domaines, seront désormais satisfaits par l’État. Et ce fébrile interventionnisme étatique a d’abord été financé par l’impôt et puis, très rapidement, les déficits budgétaires devenant chroniques, par la dette.

Et lorsque la crise économique a éclaté en 2008, tous les États se sont empressés d’appliquer les vieilles recettes de Lord Keynes : mise en branle de coûteux plans de relance. Financés comment? Toujours par la dette! Car la classe politique de tous ces pays est toujours convaincue que « le déficit public est, comme l’écrit l’économiste français, Pierre-Antoine Delhommais, indolore et que des États supposés riches pouvaient s’endetter indéfiniment sans dommages, qu’ils pouvaient vivre à crédit pour maintenir artificiellement une prospérité que menacent pourtant de toute évidence la mondialisation.»

Et le Québec, dans cette débâcle mondiale? Croire qu’il en est épargné et que l’on peut maintenir intact le sacro-saint «modèle québécois» qui n’est, au fond, (n’en déplaise à ceux qui aiment à penser qu’il est d’une singularité prodigieuse) qu’un État-Providence comme les autres, relève d’un nombrilisme jovialiste. Le Québec, en tant qu’État-Providence est en crise comme tous les autres pays d’Occident.

Il est donc impérieux de «revisiter» l’État-Providence, non pas pour des retouches cosmétiques, mais pour une véritable transfiguration. C’est ce qu’ont entrepris certains pays européens. Et c’est très douloureux. Ici, au Québec, il faudra s’atteler à cette tâche, même si elle répugne à la classe politique.

Parmi les partis politiques, y en a-t-il un qui aura le courage d’appliquer à notre État-Providence souffrant d’obésité morbide les remèdes de cheval qui s’imposent? C’est loin d’être sûr! Le PLQ va continuer de nous faire rêver avec le Plan Nord (il ne peut quand même pas nous refaire le coup de la réingénierie de  l’État) ; le PQ, de son côté, s’acharne à demeurer social-démocrate à l’ancienne avec des engagements de nouvelles dépenses massives; quant à la CAQ, ses premiers éléments de programme comportent déjà des promesses de milliards de dépenses. Québec-Solidaire, n’en parlons pas, c’est du socialisme à l’état pur.

Par conséquent, lors de la prochaine élection, par un seul parti n’envisage le dégraissage de notre indépassable «modèle québécois». Vivre selon nos moyens n’est pas à l’ordre du jour de la classe politique. Il faut croire qu’elle ne sent pas l’urgence d’agir grâce aux huit milliards et demi de péréquation en provenance, via Ottawa, des ploucs pollueurs d’Alberta. Alors, elle remet à plus tard. Et on comprend pourquoi l’indice de crédibilité de tous les partis politiques est au plus bas. L’indice de fiabilité aussi.

Jacques Brassard


mardi 3 janvier 2012

LA GUERRE DES TUQUES


ON EST TOMBÉ BIEN BAS

Je suis stupéfié! Vous lirez un commentaire ou l’on évoque mon petit-fils Émile. Ce dernier a livré un dur combat contre la leucémie. Toute sa famille a vécu cette épreuve dans l’inquiétude. Et, après deux ans de traitements, dont certains le vidaient de toute son énergie pendant plusieurs jours, il est maintenant guéri.

C’est pendant cette longue maladie que ma fille et mon gendre ont eu l’idée, afin en quelque sorte de tirer du positif d’un événement douloureux, d’amasser des fonds dans le but de doter l’hôpital d’Alma d’une chambre à pression positive.

Précisons qu’Émile était certes «l’étendard» de cette campagne, mais que ce n’était pas pour lui personnellement qu’on récoltait des fonds, c’était pour l’hôpital, c’était pour la communauté du Lac- st-Jean. D’ailleurs mon petit-fils a très peu utilisé cette chambre. Elle sert désormais pour tous les malades, les enfants en priorité, dont le système immunitaire est particulièrement défaillant.

Et il est vrai que, dans le cadre de cette campagne, un groupe d’employés d’Énergie Électrique de RTA a accompli un travail remarquable pour amasser des fonds (40000 $).

Mais voilà que ces employés me reprochent, parce que j’ai osé critiquer la stratégie syndicale dans le conflit d’Alma, de faire preuve d’ingratitude à leur endroit.

C’est comme si leur contribution à une campagne qui, je le répète, n’avait pas pour objectif d’aider Émile (il avait tous les soins requis et toute l’affection de sa famille), mais d’améliorer les services pédiatriques de l’hôpital d’Alma, les rendait redevable d’un retour d’ascenseur de ma part dans leur bataille contre RTA. Un retour du balancier! Ils ont été généreux dans une œuvre communautaire, je dois leur apporter mon soutien!

Je suis scandalisé et révolté de voir ainsi mon petit-fils de 8 ans embarqué dans cet affrontement syndicats-RTA.

Si je vous comprends bien, vous regrettez votre acte de générosité tout simplement parce que le petit garçon qui a en quelque sorte servi de «déclencheur» de cette initiative communautaire est le petit-fils d’un grand-père que vous détestez parce qu’il ose douter de la stratégie de votre syndicat et de la pertinence de vos objectifs. Je vous le dis, je trouve cela répugnant!
Quand la poussière sdera retombée et que les esprits chauffés à blanc se seront apaisés, j'ose espérer que vous aurez honte de cet amalgame indigne.

D’autre part, après la calomnie sur les «enveloppes brunes» que j’aurais reçues de RTA, voilà maintenant que mon entrée au Journal de Québec à titre de chroniqueur serait une promotion pour ne pas avoir louangé le plan de guerre du syndicat! Ça vole tellement bas… que le débat s’est enlisé dans le fumier!

J.B.


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En ce début de janvier 2012, dans le froid et la neige, la région du Saguenay Lac St-Jean, se voit plongée dans une version adulte de la «Guerre des Tuques». Surréaliste!

C’est ainsi que le chef de guerre du syndicat des travailleurs de Rio-Tinto- Alcan a lancé ses brigades fanatisées à l’assaut de la multinationale maléfique et félonne. L’entreprise, ayant vu venir l’attaque, s’est retranchée dans sa forteresse et a décrété un lock-out.

Cette guerre d’usure risque de durer longtemps!

Comment en est-on arrivé là? À prime abord, il saute aux yeux que les leaders syndicaux ont opté, et cela depuis des années, pour un syndicalisme que je qualifierais de préhistorique, c’est-à-dire un syndicalisme  de confrontation fondé sur les vieilles lubies de la lutte des classes : d’un côté, des travailleurs, qui s’imaginent prolétaires, «exploités» et «maltraités»; de l’autre, une entreprise «sans cœur», «vorace» et «sauvage».

C’est cette forme de syndicalisme qui se pratiquait autrefois. Il faut dire avec une certaine crédibilité. Puisqu’on pouvait, à une certaine époque, sans tomber dans la démesure, décrire des travailleurs en grève comme vivant dans des conditions de travail et de rémunération légitimement …améliorables.

Mais ce n’est manifestement plus le cas dans les usines d’Alcan au Québec. D’ailleurs, les syndiqués eux-mêmes reconnaissent et affirment qu’ils n’ont rien à redire concernant leurs conditions de travail, leurs salaires et leurs régimes de retraite.

Il faut dire qu’ils savent bien que tout le monde sait qu’ils sont à cet égard des privilégiés. On le voit bien quand Alcan procède à des embauches. C’est alors la ruée par milliers pour avoir la chance de «gagner le gros lot» : un emploi dans l’entreprise.

Mais alors, pourquoi cette guerre? Pourquoi le président du syndicat, après un vote de grève massif, a-t-il déclaré : «Maintenant, nous avons l’arme et nous avons les balles»?

Entre vous et moi, une déclaration aussi belliqueuse prononcée par un homme politique aurait provoqué illico sa lapidation suivie de sa crucifixion sur la place publique. Mais proclamée par un syndicaliste, elle ne soulève aucune indignation chez les faiseurs d’opinion de la presse, d’habitude pourtant si  prompts à s’indigner quand il s’agit de politiciens.

Une telle déclaration était sans l’ombre d’un doute une véritable déclaration de guerre. Toutes les troupes à l’assaut!

Mais, je le redemande, si les conditions de travail et de salaire ne font pas problème, si, de plus, les emplois sont garantis, pourquoi cet affrontement, pourquoi cette course absurde au casse-pipe?

C’est quoi le mobile de ces hostilités toutes imprégnées de rancœur tenace et d’une surprenante virulence?

Je vous le donne en mille : c’est la sous-traitance. Le syndicat est enragé et il est déchaîné contre la sous-traitance. Il en a fait le ressort de sa montée aux barricades et le levain de l’exaltation belliqueuse de ses soldats.

Pourtant, dieu sait que la sous-traitance est une pratique bien établie, depuis fort longtemps, dans les grandes entreprises. Elle a toujours été présente dans les usines d’Alcan. Elle est omniprésente, par exemple, dans l’industrie automobile. C’est ce qui permet, dans une économie mondialisée et fortement compétitive, aux entreprises de garder le contrôle de la filière de production et de confier à de sous-traitants des tâches connexes. Cela donne aux entreprises une nécessaire souplesse de fonctionnement.

Est-il envisageable d’obtenir, dans une négociation de convention collective, l’abolition de la sous-traitance? Certainement pas! Le croire, c’est de la pensée magique!

Peut-on alors sérieusement penser que les syndicats d’une unité de production (Alma en l’occurrence)  puissent obtenir davantage en matière de limitations de la sous-traitance que ceux des autres unités de production (Arvida, La Baie, Laterrière, Shawinigan) du Québec? Le croire, c’est de l’aberration! Et c’est lancer ses troupes dans une opération suicidaire!

Comment les syndiqués ont-ils pu s’imaginer qu’ils allaient obtenir sur cette question capitale pour l’entreprise un traitement privilégié et des pratiques différentes?

Comment ont-ils pu croire leurs chefs syndicaux quand ils les ont transformés en avant-garde d’un combat planétaire, en troupes d’élite ayant pour mission de faire une percée dans les remparts d’une multinationale diabolisée?

Il a fallu sûrement des mois de propagande intensive pour qu’ils soient convaincus qu’ils sont les plus forts et les plus aptes à terrasser la Bête infernale!

Et voilà-t-il pas que c’est par altruisme qu’ils livrent ce combat. Ce n’est pas pour eux qu’ils se battent. Non, c’est pour la région. Et c’est pour les générations futures. Ce n’est surtout pas, au grand jamais, pour collecter plus de cotisations syndicales. Voyons donc!

Écoutez-les.

Un syndiqué : « C’est pour la région et les générations futures que l’on se bat. Ça va être une bataille épique. Ça prendra le temps que ça prendra…». J’ai bien peur qu’il va trouver le temps long …bien avant l’entreprise.

Un leader syndicale : « On se bat pas pour une augmentation de salaire, on se bat pour la région. On est prêt et on est capable d’aller jusqu’au bout du conflit».  Ce jusqu’auboutisme est typique des débuts de conflit de travail. Six mois plus tard, on fanfaronne un peu moins.

Ce discours syndical est bien connu. Il consiste à s’efforcer de convaincre la population que c’est pour elle que l’on a déclenché la guerre. Il consiste aussi à arracher des larmes aux citoyens en leur révélant qu’ils se battent pour leurs enfants.

C’est là un disque bien usé. Je me souviens qu’en 1972 (j’étais gréviste alors) le prêche syndical consistait à dire que si on réclamait des augmentations de salaire substantielles, ce n’était pas vraiment pour nous, mais pour les pauvres salariés du privé. En vertu du principe étrange qu’une hausse des salaires dans le secteur public allait migrer par osmose vers le privé. Le pire, c’est qu’on y croyait!

Moi, je vous le dis tout net, cet altruisme, cet oubli de soi autoproclamé, cet esprit de sacrifice dans l’intérêt de la « veuve et de l’orphelin », tout ce prêchi-prêcha syndical me laisse totalement froid.

C’est de la bouillie pour les chats! C’est une homélie larmoyante qui ne sert qu’à masquer des intérêts bassement corporatistes : moins de sous-traitance égale plus de syndiqués et davantage de cotisations syndicales. Un point, c’est tout!

C’est sûr que présenté de cette façon, ce n’est pas très inspirant pour les fantassins qui vont au front. Alors, on a recours à l’artifice du «combat héroïque» …pour les autres! Pour la région toute entière! Pour les générations suivantes! Je suis sidéré de voir qu’une si vieille astuce «pogne» encore!

Les leaders syndicaux, dans toute cette affaire, ont agi de façon irresponsable. Ils se sont comportés en va-t-en-guerre irréfléchis. Mais, surtout, ils n’ont pas évalué correctement le rapport de force. Ils ont été incapables de déterminer jusqu’où ils pouvaient aller dans leurs revendications. C’est là pourtant la qualité essentielle d’un chef syndical. Cette qualité brillait par son absence. C’est le goût de la bagarre et  l’aversion envers l’entreprise qui occupaient tout leur esprit.

Dans les années 90, l’usine de pâte et papier d’Alma était menacé de fermeture. Heureusement, il s’est trouvé des leaders syndicaux qui ont pris la juste mesure de la situation et qui ont opté pour un syndicalisme de concertation. L’usine est toujours en opération et elle est rentable. Au même moment, à l’usine de la Baie, appartenant aussi à Abitibi-Bowater, les syndicalistes ont choisi l’affrontement et la ligne dure. Aujourd’hui, l’usine est non seulement fermée, elle est démantelée.

Ce rappel d’un passé récent illustre à merveille combien le gros bon sens, le jugement et le discernement sont des qualités indispensables chez celui qui veut devenir leader syndical. Dans le conflit actuel, ces attributs de la sagesse ne sont pas au rendez-vous chez les principaux leaders syndicaux. Le gros bon sens a foutu le camp. Le jugement est en congé. Et le discernement  est en vacances.

Avec comme conséquence qu’ils ont lancé leurs troupes dans un combat perdu d’avance. Ils n’ont pas vu que leurs objectifs étaient inatteignables.  Ils ont poussé leurs camarades dans une impasse. Ils ont beau faire le matamore, ils les ont précipités dans un piège. Un beau gâchis!

De plus, ils ont le culot de se prétendre investi d’un mandat afin de se battre pour « la région et les générations futures ». Quand donc leur a-t-on accordé un tel mandat? Personne ne leur a confié – mis à part 88% des 778 travailleurs syndiqués – la mission d’entreprendre pour nous, population régionale, une lutte « épique » sans issue.

Je sais fort bien que ce que vous venez de lire ne se retrouvera pas sous la plume des commentateurs et chroniqueurs de la presse et de la radio. Pas plus que dans la bouche des politiciens de tous les niveaux. On lira et on entendra surtout des salamalecs flagorneurs envers les syndicats, la reprise de la sempiternelle rengaine  « so-so-solidarité » ou encore des appels insignifiants à la bonne volonté des parties. 

Et il en sera ainsi tout simplement parce qu’ils ont peur d’avoir à subir les foudres syndicales. Les corporatismes syndicaux connaissent à fond, et depuis fort longtemps, l’art de l’intimidation et ils s’en servent sans retenue. Regardez ce qui est arrivé au président de la Chambre de Commerce du Saguenay quand il a osé mettre en doute, et d’une façon plutôt polie, le discours syndical sur la sous-traitance. Il s’est fait rabroué et insulté.

Je vous prédis donc que nos élites politico-médiatiques vont surtout pleurnicher sur les calamités résultant du conflit tout en prenant bien soin de ne surtout pas attribuer une large responsabilité à l’état-major syndical dans le déclenchement du conflit.

Moi je me permets de dire que les leaders syndicaux, en omettant de bien jauger les périls et les culs-de-sacs générés par leur défaillance de jugement et leur mauvaise analyse de la conjoncture économique, sont les principaux responsables de cette ruineuse guerre de tranchée.

Jacques Brassard eure

FAÇON DE FAIRE

Je vous avise que les commentaires injurieux, diffamatoires et menaçants à mon endroit ne seront publiés que s'ils sont signés (nom, adresse, téléphone et adresse internet). Je pourrai ainsi envisager s'il est pertinent d'entreprendre des poursuites judiciaires pour diffamation et atteinte à ma réputation. Et tout particulièrement, les salopards poltrons qui m'accusent de recevoir des «enveloppes brunes» de la compagnie.
D'autre part, il y en a qui trouve que mon point de vue sur le conflit est contradictoire avec mes convictions souverainistes. Plutôt bizarre comme rapprochement. Clarifions les choses, Je suis toujours souverainiste. Je n'ai pas changé à ce sujet. Depuis plus de 40 ans. Mais je ne veux surtout pas d'un pays qui serait sous la botte des corporatismes syndicaux. Ce serait un régime de terreur ou la liberté d'opinion et de penser serait mise au rancart. Merci pour moi!
Jacques Brassard