(Chronique parue le 17 mai dans le Journal de Québec)
Je crois utile de revenir sur la
légalisation de l’euthanasie puisque, d’une part, un projet de loi en ce sens
devrait être déposé bientôt et, d’autre part, une manifestation aura lieu
demain dans la Vieille Capitale.
J’y reviens parce que je trouve
profondément fallacieuse la tentative de la ministre responsable d’assimiler
l’euthanasie à une mort digne. Il y a là une volonté manifeste de créer de la
confusion dans les esprits dans le but de
faire adopter le projet de loi de façon précipitée.
Et comme il est question de «mourir
dans la dignité», il est essentiel de considérer ce concept de «dignité».
Ce concept, nous dit Jacques
Suandeau, de l’Académie pontificale pour la Vie, «est lié à l’appartenance du
sujet à l’espèce humaine, au fait qu’il est un être humain, et donc digne de
respect, quels que soient sa race, son âge, son sexe, sa condition économique
ou son intelligence. La dignité humaine n’est liée à aucun critère d’aptitude,
à aucune condition, sinon celle de l’appartenance à l’ordre humain.»
La dignité est donc, comme disent les
philosophes, «ontologique», c’est-à-dire inhérente à la nature humaine.
«C’est cette dignité, poursuit
Jacques Suandeau, liée au statut d’être humain qui peut être niée ou bafouée,
par exemple dans la pratique de l’esclavage ou dans l’imposition de traitement
volontairement avilissant».
Par conséquent, la dignité d’une
personne ne peut être diminuée d’aucune façon, ou même anéantie, par le fait
que cette personne soit affectée par l’âge, ou la maladie, ou la perte de
capacités physiques et mentales. La dignité demeure toujours pleine et entière.
Et elle doit être pleinement respectée, que la personne soit bien portante ou
qu’elle soit en fin de vie.
«Respecter la dignité du mourant,
nous dit Jacques Suandeau, c’est lui assurer les meilleures conditions de vie
possibles, avec le maximum de confort physique et moral, au cours des quelques
jours qui lui restent à vivre, libérant ainsi son esprit pour lui permettre de
faire face à sa mort, de régler de façon responsable ses devoirs matériels, de
dire adieu à ses proches, de prier (s’il est croyant).»
C’est précisément ce qu’on fait dans
les maisons de fin de vie, comme celle de Solican, chez moi, à Alma. On donne aux
personnes les soins appropriés pour leur assurer le maximum de confort et de
réconfort. Ces personnes meurent vraiment dans la dignité. Leur dignité n’est
pas bafouée.
L’euthanasie, ce n’est pas mourir
dans la dignité. Au contraire, écrivent le philosophe Louis-André Richard et le
directeur de la Maison Michel-Sarrazin, Michel L’Heureux, «abréger la vie d’un
être humain par l’euthanasie serait une confirmation que cette personne
mourante a un statut inférieur et n’a plus la dignité d’un être humain à part
entière, dont il faudrait s’occuper avec déférence».
Et une loi n’est pas légitime du seul
fait qu’elle est la loi. Une loi, puisqu’il ne faut pas confondre légalité et
légitimité, pour être pleinement légitime doit être fondée sur ce que la
tradition philosophique désigne sous le nom de «droit naturel» ou «loi
naturelle». Et la dignité humaine est au cœur de ce «droit naturel».
L’euthanasie, même balisée, est une atteinte grave à la dignité humaine et, de
ce fait, à la «loi naturelle».
Le code criminel canadien fait de
l’euthanasie un crime. Veut-on y contrevenir pour en faire une chicane
fédérale-provinciale? Le Gouvernement ferait mieux de porter attention, demain,
au message des manifestants.
Jacques Brassard
7 commentaires:
Pour être digne de respect selon l'idéologie pontifical, on doit être un être humain, c'est donc dire que les autres êtres vivants sur la planète ne sont pas dignes de respect : "on achève bien les chevaux" ?
Une loi, nous dit l'auteur "pour être pleinement légitime doit être fondée sur ce que la tradition philosophique désigne sous le nom de «droit naturel» ou «loi naturelle».
Cependant la "loi naturelle" est une fiction, une erreur. Nietzsche se méfiait de l'emploi du mot "loi", ce mot avait pour lui un arrière-goût de moral. Il s'agit bien plutôt de constater des relations de puissance : le plus fort l'emporte sur le plus faible.
L'idée de "loi naturelle" nous vient de Locke. Quelques parties de la loi naturelle de Locke sont surprenantes. Par exemple, il dit que les prisonniers, dans une guerre juste, sont esclaves de par la loi naturelle. Il dit aussi que, par nature, chaque homme a le droit de punir les attaques lancées contre lui ou contre ses biens, même par la mort. Si je surprends une personne en flagrant délit, j'ai, par la loi naturelle, le droit de tuer.
Pour Locke, le fait est simple puisque les règles morales ont été posées par Dieu et se trouvent dans la Bible. Lorsque cette base théologique disparaît, le choix devient plus difficile. Mais, aussi longtemps qu'une distinction morale entre les actions bonnes et mauvaises est admise, nous pouvons dire : la loi naturelle décidera quelles actions sont moralement justes et lesquelles sont mauvaises, dans une communauté qui n'a pas de gouvernement.
C'est le code criminel canadien qui fait de l’euthanasie un crime, pas la loi naturelle, cette fiction des philosophes chrétiens du XVIIe siècle.
Alors comment une loi humaine, pour être légitime, pourrait-elle être fondée sur une fiction, car il n'y a pas de "droit naturel", il n'y a que des relations de puissance. Et dans ce cas, les plus forts ont décidé que le malade devait souffrir jusqu'à ce que "Dieu" en décide autrement. Donc, selon nos dirigeants chrétiens, le malade n'a pas le droit de choisir le moment de sa mort. Car sa vie appartient à l'État.
Signé un athée sceptique et fier de l'être.
Mourir dans la dignité
A voir! Un classique.
Conférence du Dr François Primeau
http://fr.gloria.tv/?media=371117
L’euthanasie et le suicide assisté : pourquoi pas ?
http://www.colf.ca/mamboshop/index.php?option=com_content&task=blogcategory&id=89&Itemid=196&lang=frc
Bravo M. Brassard,
Un très beau et bon texte qui devrait faire réfléchir et au mieux faire changer d'idée les intello-brinquebalants de nos gouvernements et ceux qui se pensent très profonds et évolués comme celui qui signe: athée et fier de l'être.
Signée: catholique pratiquante et fière de l'être.
Je suis un travailleur de la santé et je vous assure que plusieurs personnes veule mourir car leur vie est souffrance sur plusieurs année pour eu la dignité n es qu un mot réservé a ceux qui sont loin des malade voir des gens revenir a l hôpital dans une souffrance et sa depuis des année les proches sont la au début ensuite il espace leur visites.
Un très beau texte intelligent qui s appuie sur la philosophie catholique, cela prend du courage dans un contexte social anti-religieux ! Cette pensée n est pas une idéologie mais la recherche de la vérité que l on trouve inscrite dans la nature même des choses . La loi naturelle est universelle et ne dépend pas d une idée à la mode selon les goûts du moment. Les personnes souffrantes sont dignes d êtres aidées , soutenues et soignées avec tous les moyens à notre disposition !
"Mourir dans la dignité" est un euphémisme bien commode qui dispense de parler d'euthanasie, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Euthanasier ce n'est ni plus ni moins que tuer sous la protection de la loi, le meurtre dans certaines circonstances et dans un certain cadre devient par conséquent légalement et "moralement" admis.
Drôle de société qui a banni la peine de mort pour les pires criminels, mais qui l'a instituée et l'a banalisée sans l'ombre d'un remord pour les innocents, soit les enfants à naître et les êtres humains en détresse.
Étrange spectacle d'une société qui se suicide aux deux extrêmes de l'âge, car il ne faut pas se raconter des histoires, la légalisation de l'euthanasie n'est que le premier pas vers l'euthanasie pour tous, de la même façon que l'avortement s'est transformé du jour au lendemain en moyen de contraception.
Comment en sommes-nous venus là? Car l'euthanasie n'a rien à voir avec la dignité, de la même façon que l'avortement sur demande n'a rien à voir avec la liberté, il s'agit dans les deux cas de symptômes caractéristiques du vide spirituel.
Une prise de conscience collective est-elle encore possible ou avons-nous dépassé le point de non-retour?
Hélios d'Alexandrie
La marche vers l'euthanasie au Québec: un exemple de malhonnêteté intellectuelle.
http://www.cqv.qc.ca/fr/la-marche-vers-leuthanasie-au-quebec-un-exemple-de-malhonnetete-intellectuelle
Enregistrer un commentaire