De ce côté de l’Atlantique, le nom ne dira pas grand chose,
mais au Québec Jacques Brassard on connaît. Plusieurs fois ministre, député
réélu pendant plus de vingt-cinq ans reconverti dans le journalisme et blogueur
convaincu, il affirme tranquillement des convictions bien ancrées et fondées sur
une longue réflexion. Qui vont souvent à contre-courant de celles qu’affichent
la plupart des politiques, journalistes et autres intellectuels en place. D’où
le titre de son ouvrage, « Hérésies », publié par Daniel Laprès, un éditeur
allant lui aussi volontiers à contre-courant. On y appréciera les différences
mais aussi les similitudes avec le cas français, l’accent et l’humour en
prime.
L’ouvrage «
Hérésies »
se lit avec bonheur. Car l’auteur Jacques Brassard s’exprime avec une faconde
des plus savoureuses, drôlerie et humour, n’hésitant pas à utiliser mainte
expression bien du terroir. Québécois, en l’occurrence. Ce qui marque une
identité bien affirmée, et on touche là aussi au fond, mais qui ajoute à la
saveur du texte, pour un lecteur canadien français « pure laine » mais
d’avantage encore, sans doute, pour un lecteur français de France ou
d’ailleurs.
Pour ce lecteur-là, l’ouvrage fait découvrir un Québec souvent peu
ou mal connu. Car Jacques Brassard a été député pendant vingt-six ans et
plusieurs fois ministre, puis chroniqueur dans deux quotidiens et blogueur
assidu. C’est donc de l’intérieur que l’on découvre avec lui les rouages de
cette province canadienne pas comme les autres puisqu’elle est peuplée
majoritairement depuis 400 ans de Français et de leurs descendants installés en
Amérique du Nord, avec un certain désir d’indépendance, désir que partage
Brassard, qui souhaite ardemment que le Québec se sorte d’une impasse financière
qui le place au bord du gouffre, dit-il. Car « l’État québécois est parmi les
plus endettés et les plus taxés » au monde, les gouvernements successifs ayant
privilégié l’augmentation des taxes pour continuer à financer de grands
programmes de l’État. Notamment, dit-il, « un service de santé » qui pourtant se
dégrade de jour en jour. Un système étatisé, coûteux et inefficace, dit-il,
préconisant l’introduction d’une dose de privé pour y remédier. Comme il le fait
dans d’autres domaines, cet ancien gauchiste, de son propre aveu étant devenu de
droite.
Autre problème qu’il examine et dénonce : celui d’un autre dogme
ayant pour nom le multiculturalisme, qui entraîne un renoncement à son identité
propre, judéo-chrétienne, en l’occurrence. Héritage relativisé, y compris à
l’École avec une « ratatouille multiculturelle, le cours d’Éthique et Culture
religieuse ». Le Québec étant terre d’immigration il avertit : « le processus
d’intégration des immigrants doit conduire à terme à l’assimilation. L’Europe
nous montre où peut conduire la non-intégration des nouveaux-venus à la
communauté nationale : une islamisation intensive de quartiers des grandes
villes... » et ce qui en découle. Il ajoute que « c’est dans la métropole
(Montréal) que la dévastation multiculturaliste prend une ampleur angoissante ».
Il cite à cet égard le sociologue Mathieu Bock-Côté, qui préface son ouvrage,
pour qui « il est en train de se forger une nouvelle identité multiculturelle
montréalaise distincte de la communauté nationale majoritaire ayant pris racine
dans la vallée du St-Laurent il y a 400 ans. Nous sommes ceux qu’on appelle les
« de souche » ou avec encore plus de mépris « les souchiens ». Phénomène
constaté également dans l’Hexagone, on le sait...
Au-delà
de l’aspect québécois du constat, l’aspect universel
Et Jacques Brassard de dénoncer les tabous qui bloquent le
système, les corporatismes, l’aveuglement de la classe politique, y compris de
son ancien parti, le Parti québécois, aujourd’hui au pouvoir, de la plupart des
journalistes, des syndicalistes, etc. Une réflexion qui trouvera sans doute un
écho de ce côté-ci de l’Atlantique. Car, au-delà des aspects spécifiques de ce
qu’il décrit et commente, il y a la valeur plus universelle de son constat, les
mêmes causes produisant les mêmes effets.
Ce volet, est évoqué plus particulièrement dans la troisième
partie de l’ouvrage intitulé « le Québec à la croisée des
chemins ». Il y parle aussi d’un personnage politique d’extrême gauche,
Amir Khadir, qu’il appelle « l’agité du Plateau », le Plateau de Montréal étant
un quartier prisé des bobos – et des Français, d’ailleurs –. Personnage qu’il
présente ainsi : « Le camarade Khadir, c’est surtout l’incarnation accomplie de
l’écolo-socialisme québécois, crachant à tout vent sa haine inextinguible de
l’entreprise privée capitaliste ». Qui est également aussi, cela va de soi, d’un
« anti-américanisme pathologique » et « un antisioniste enragé » . Jacques
Brassard rappelant que « l’antisionisme est la forme contemporaine de
l’antisémitisme ».
Une question qu’il examine de plus près, citant des sources comme
Pierre-André Taguieff, Michel Gurfinkiel, Guy Millière ou Emmanuel Navon, dans
la seconde partie du livre, « Civilisation occidentale et
Israël : notre devoir de solidarité ». Devoir car, au-delà de la
justice, rappelle-t-il mainte fois, l’identité québécoise est avant tout
judéo-chrétienne. Il dénonce la délégitimation et la diabolisation d’Israël, la
haine du Juif et de l’État juif « axe doctrinal de l’islamisme radical », citant
« théocratie iranienne, Hamas, Hezbollah, Frères Musulmans, Al Quaïda, Fatah,
etc. » et « les occidentaux, surtout de gauche, qui soutiennent la position
antisioniste des islamistes de tout poil, et tout particulièrement celle des
Palestiniens ( incarnant à leur yeux la Victime exemplaire et l’Opprimé par
excellence) ».
L’auteur dénonce aussi un travers bien installé au Québec mais qui
ne peut toucher la France dans ce domaine, grâce à la législation française et
en dépit de tentatives répétées, à savoir le « boycott des produits d’Israël ».
Jacques Brassard tourne en dérision l’accusation d’apartheid utilisée pour
tenter de justifier ce harcèlement de commerçants québécois qui vendent ce type
de produits, déplorant « l’indifférence de nos belles âmes », fermant par
ailleurs les yeux sur toutes les violations, souvent graves, des libertés
religieuses dans le monde musulman. Les mécanismes, on le voit, sont identiques
en la matière des deux côtés de l’Atlantique.
Dans la première partie du livre Jacques Brassard évoque ce qu’il
qualifie de « notre clergé verdoyant ». Clergé car
le Québec a longtemps été très catholique, une part intégrante de l’héritage
culturel québécois. Mais aujourd’hui, dit-il, ce clergé-là a été remplacé par un
autre : celui de la doctrine écologique, élevée au niveau de croyance et de
dogme. Une idéologie, un « catéchisme » qu’il met en pièces avec saveur, citant
des scientifiques comme Claude Allègre – moqué en son temps en France – ou un
rare scientifique « climato-sceptique » québécois, Reynald du Berger, dénonçant
le « climategate – la manipulation avérée
de données scientifiques de la part de l’organisme chargé d’étudier le
réchauffement climatique – mais aussi le fait que le taux de CO2, un gaz
nécessaire, dit-il, continue de monter alors que le climat se refroidit depuis
quinze ans maintenant. Il démonte les rouages de l’affaire, nombre de politiques
et de journalistes en ayant été partie prenante, en privilégiant les thèses
écologistes et en taisant les thèses, voire les preuves contraires. Alors que
les accords passés – ou pas, d’ailleurs – comme celui de Kyoto, ont beaucoup nui
à l’économie des pays signataires. Il y voit la volonté gauchiste de mettre
l’homme au banc des accusés, alors qu’il n’est guère coupable de feu le
réchauffement climatique.
Daniel Laprès, un éditeur québécois
engagé
Jacques Brossard rend hommage à « l’éditeur Daniel Laprès sans qui
ce livre n’aurait pas vu le jour », certains « bien-pensants » allant même
jusqu’à enjoindre publiquement de le faire taire. Sans doute est-ce parce que,
justement, Daniel Laprès fait partie de ceux qui, tel Jacques Brassard, se
situent parmi les « mal-pensants en rupture de ban avec une bien-pensance
oppressante ». Ancien conseiller de deux ministres canadiens des Affaires
étrangères, Lloyd Axworthy et Bill Graham, il caressait depuis longtemps, nous
a-t-il confié, le projet de créer une maison d’édition, compte tenu des
difficultés à publier certains points de vue au Québec. Y compris celui de
Jacques Brassard, pourtant ancien ministre de premier plan. Les « textes
mordants, jouissifs » de Brassard, de même que sa personnalité l’ayant séduit,
Laprès l’a contacté et c’est ainsi qu’est né « Hérésies ». Ce que Jacques
Brassard écrit sur son appui sans réserve à Israël, dit l’éditeur, est d’autant
plus important que cela représente l’opinion d’une personnalité publique
reconnue et appréciée de nombreux Québécois. Il se dit donc très fier d’être
celui qui aura publié les propos de Jacques Brassard.
C’est d’ailleurs un thème qui lui tient beaucoup à cœur. Déjà
pro-Israël, il se rendit compte avec la campagne de harcèlement menée contre des
commerçants montréalais vendant des produits israéliens, de la dimension
haineuse, raciste et totalitaire des anti-israéliens. Le premier ouvrage que sa
maison d’édition a fait paraître, il y a moins d’un an, est «
Les
faces cachées d’Amir Khadir », qui évoque d’ailleurs largement ce sujet, au
point selon l’éditeur de contenir « la première défense élaborée d’Israël à
avoir été publiée au Québec ». Amir Khadir est ce politicien démagogue d’extrême
gauche également mentionné par Jacques Brassard et qui dont la hargne
anti-Israël est, selon Daniel Laprès, « une évidente démonstration de la
nécessité pour nous Québécois de défendre Israël » et de lutter contre
l’antisémitisme, notamment sous sa forme antisioniste. Il rappelle, à cet égard,
que les Québécois avaient, dès 1807, élu « le premier député juif élu en
Amérique du Nord et dans l’Empire britannique,
Ezekiel Hart, né à
Trois-Rivières au Québec ». Même si cette élection suscita la controverse…
Quant à l’identité québécoise, tout comme Jacques Brassard,
l’éditeur y est particulièrement attaché et, comme lui, il la voit menacée par
« l’immigration islamiste massive et par les politiques aberrantes imposées dans
le système scolaire par la bureaucratie multiculturaliste du ministère de
l’Éducation, qui d’ailleurs préside à un désastre en ce qui concerne la qualité
de l’enseignement de la langue française, un enjeu pourtant crucial pour
l’identité québécoise ».
Et, petit clin d’œil de l’histoire, c’est avec un grand plaisir
que Daniel Laprès, mélomane passionné et grand admirateur de
Charles Munch
(1891-1968), qui dirigea, entre autres, de nombreux concerts de l’Orchestre
Philharmonique d’Israël ainsi que de l’Orchestre Symphonique de Montréal, deux
orchestres pour lesquels Munch s’était pris d’affection, découvrit que ce chef
d’orchestre particulièrement réputé avait été l’un des fondateurs enthousiastes
de l’Association États-Unis-Israël lorsqu’il était le chef principal du très
prestigieux
Boston Symphony, de 1949 à 1962.