mercredi 18 mai 2011

CHEMIN DE TRAVERSE

L’anéantissement du Bloc et le comportement «banc de ménés», ou moutons de Panurge, tellement peu rationnel, des Québécois en faveur du NPD, obligent le mouvement souverainiste à faire le bon choix d’orientation. Il lui faut une bonne boussole.



Déjà, certains maîtres à penser se sont empressés de conclure que les Québécois ont voté à gauche, alors que le reste du Canada a voté à droite, et que l’option de la souveraineté a été, par le fait même, mise au rancart.



C’est allé un peu vite en affaire. D’abord, quand on analyse les motivations du vote NPD au Québec, on se rend vite compte qu’elles sont plutôt…sans grande consistance. Je ne nie pas qu’il y ait des électeurs qui ont voté NPD avec de fortes convictions de gauche (plusieurs commentaires de ce blogue en témoignent), mais je persiste à dire que le vote de l’immense majorité des Québécois n’est d’aucune façon un vote de gauche. C’est un vote de lassitude, de désabusement, d’écoeurement.



Et maintenant, en regardant les résultats, dont plusieurs, dans certains comtés, sont carrément burlesques, ils se sentent plutôt gênés, comme au lendemain d’une «brosse» quand de mauvais souvenirs de conduite humiliante remontent à la mémoire à travers un brouillard éthylique.



La pire erreur que le mouvement souverainiste pourrait faire, ce serait de fonder sa stratégie à partir du clivage gauche-droite.



Le Canada anglais s’installe à droite, le Québec s’incruste à gauche, misons donc sur cette fracture et efforçons-nous de l’élargir. Telle serait, selon certains, la ligne de conduite qu’il conviendrait de tenir. Une pareille stratégie serait pour les souverainistes et, au premier chef, le PQ, une fausse manœuvre. Parce que ne reposant pas sur une prise en compte adéquate et exhaustive de la réalité politique.



La polarisation idéologique droite-gauche ne ferait que masquer et même évacuer du débat public la Question Nationale.



La mission fondamentale du mouvement souverainiste, ce n’est pas de poursuivre la diabolisation d’un gouvernement canadien de droite et de se cantonner dans des postures de gauche pour marquer sa différence, c’est, au contraire, non seulement de reprendre le combat identitaire, mais de mettre en branle ce que Mathieu Bock-Côté appelle « le démantèlement du multiculturalisme québécois », lui-même un appendice ou une excroissance du multiculturalisme canadien.



Et ce démantèlement ne pourra jamais être pleinement achevé, à mon avis, compte tenu de la nature même de l’opération, que dans un Québec indépendant.



C’est tout simple, je l’ai déjà dit et écrit, il nous faut revenir aux sources du mouvement indépendantiste. « Nous, Québécois et Québécoises, sommes une nation, la plus profondément enracinée du continent. Sur l’immensité de notre territoire, partout nos souvenirs anciens comme notre présence vivante nous rappellent que ce peuple est ici chez lui, dans son foyer ancestral. » Qui a écrit cela? René Lévesque, en 1980.



Or, cette nation est en plein désarroi identitaire. Et l’identité d’un peuple, ce n’est pas seulement sa langue, mais c’est aussi sa culture, ses traditions, son patrimoine, matériel et immatériel, son histoire. Il est évident que toute cette substance identitaire est en voie d’érosion et de dégradation sous les assauts ordonnés du multiculturalisme. Cette idéologie, bien implantée dans les structures de l’État et endossée par une large partie de nos élites, est en train de réussir à nous culpabiliser (nous nous sentons coupables d’être nous-mêmes) et à nous pousser au renoncement à notre héritage historique.



Si nous jugeons indispensable de faire la souveraineté, ce n’est certes pas pour mettre en place des politiques ruineuses écolo-réchauffistes, ni pour faire un virage idiotement pacifiste, ni pour surtaxer les salauds de riches, ni pour se doter d’un État encore plus obèse, ni pour soviétiser encore plus notre système de santé, non, si l’on doit aboutir à l’indépendance, c’est pour entreprendre et mener à terme une nécessaire déconstruction du multiculturalisme qui gangrène depuis des décennies l’État, l’école, l’université, la politique d’immigration, l’intégration des nouveaux venus, la métropole, la culture, la mémoire collective (ce qui en reste).



Plusieurs stratèges souverainistes sont tentés d’amplifier l’affrontement entre un Canada anglais de droite et un Québec de gauche espérant que ça finisse par prendre la forme, d’une part, d’un rejet haineux du Québec et des Québécois (exact contrepied de la grande déclaration d’amour des Canadiens anglais à la veille du référendum de 95) et, d’autre part, par contrecoup, chez les Québécois, d’une telle éruption de dépit et de mauvaise humeur qu’ils aspirent ardemment et massivement à l’indépendance.



On a déjà joué dans un film semblable. C’était à l’époque de l’échec de Meech. Les Québécois étaient tellement en furie d’avoir été dédaignés par le Canada anglais, qu’ils ont majoritairement adhéré à la souveraineté. Dans les sondages! Ce fut un feu de paille. Quelques années plus tard, la colère s’est apaisée et le soutien à la souveraineté est retombé à son niveau antérieur (entre 40 et 45%).



Cette stratégie uniquement fondée sur le ressentiment et l’exécration est donc à rejeter.



L’action, le programme, la stratégie du mouvement souverainiste doivent être axés, à mon humble avis, sur la Restauration Nationale.



Toute nation, en s’inscrivant dans la durée, vit une histoire qui lui est propre. Elle se forge une identité. C’est cette identité qui marque ses œuvres et ses travaux. C’est cette identité qui s’exprime à travers sa langue, sa culture, ses traditions, ses valeurs, son patrimoine, sont art de vivre, sa façon d’occuper le territoire et de bâtir ses lieux d’habitation, son enracinement dans un morceau de la Planète qui devient ainsi une patrie.



Si on oublie cette tâche fondamentale de protection, de promotion et de transmission de toutes ses composantes de notre identité, on ne fait pas seulement fausse route, on renonce à ce qui constitue, depuis ses origines, la raison d’être du projet d’indépendance.



De grâce, ne cédons pas aux flagorneries de ceux (et ils sont nombreux ces temps-ci) qui nous disent que notre progressisme étatiste de gauche fait de nous des être supérieurs, brillants et tellement d’avant-garde, face à des Canadiens anglais obtus, rustres et arriérés. Cultiver cet antagonisme, ce serait, pour les souverainistes, s’engager dans un chemin de traverse qui ne mène nulle part.



Jacques Brassard

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